Les travaux de l’atelier sur la criminalité liée aux espèces sauvages ont été lancés dans la journée du mardi 11 juin 2024 dans un réceptif hôtelier de Kindia. Cet atelier a été organisé dans le contexte du Projet Natura-Guinée, un projet étatique financé par l’Union Européenne et mis en œuvre par la Fondation Wild Chimpanzé (WCF). Il cible les acteurs de la chaîne pénale impliqués dans la répression de la criminalité liée aux espèces sauvages (faune et flore): magistrats, officiers de police judiciaire de bureaux INTERPOL, de la douane, de la Brigade nationale de lutte contre la criminalité sur la faune et flore et autres agents conservateurs de la nature ainsi que de cadres de l’Agence Nationale de Lutte contre la Corruption et Promotion de la Bonne Gouvernance (ANLC-PMB), rapporte un des correspondants de Guineematin.com basé dans la préfecture.
Mademoiselle Charlotte Houpline, Cheffe de Composante TRAFIC du Projet Natura-Guinée, justifie le contexte de la tenue de cet atelier « Historiquement en Guinée, il y a un problème important de commerce illégal des espèces sauvages. La biodiversité est menacée par le commerce illégal des espèces sauvages qui est un crime organisé transnational. Au cours des dernières décennies, beaucoup de produits de contrebande tel l’ivoire d’éléphants et d’animaux vivants comme les grands singes (chimpanzés, gorilles) ont quitté la Guinée de manière frauduleuse. Et malheureusement en 2013, l’Etat Guinéen a été sanctionné par le Comité permanent de la Convention des Nations Unies sur le commerce international des espèces de faune et flore sauvage menacées d’extinction (CITES), une sanction toujours en vigueur. Le trafic une des menaces principales qui pèse sur la biodiversité, pas seulement sur les espèces de faune mais également sur les forêts guinéennes qui font l’objet d’un trafic de bois très intense sur le territoire actuellement. Il y a beaucoup de conséquences, les forêts disparaissent, la faune qu’elle abritent disparait également, et les températures s’intensifient dans tout le pays, la population souffre de la chaleur maintenant en Guinée ».
« C’est vraiment important que la loi soit appliquée et WCF dans la mise en œuvre du Projet Natura-Guinée va appuyer l’Etat Guinéen durant ces 4 ans (2024-2027) pour que la loi soit appliquée et que le trafic soit combattu, en assistant la Brigade nationale de lutte contre la criminalité sur la faune et la flore et les autres services d’application de la loi » a déclaré Charlotte Houpline.
Plus loin, la représentante du Chef du Projet Natura-Guinée, souligne que « cet atelier de formation va avoir un impact positif sur les résultats. On est là pour apporter une assistance technique, améliorer les capacités et l’efficacité des services dans la conduite des enquêtes, des opérations, des patrouilles et dans le suivi des affaires en justice car il est vraiment important qu’on s’assure que les délinquants interpellés soient condamnés à la hauteur du préjudice ».
Maître Billy 1 Keïta, Chef de Cabinet du Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, a salué l’organisation de cet atelier pour mieux outiller les acteurs impliqués dans la lutte contre la criminalité transnationale organisée. ‘’Ce séminaire permettra aux acteurs de comprendre les enjeux majeurs dans le cadre de la protection de l’environnement’’, déclare-t-il, ajoutant que ‘’les espèces qui sont menacées doivent être protégées’’.
Il assure que ‘’le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des droits de l’homme, tient beaucoup au maintien du couvert végétal ainsi qu’à la répression vis-à-vis des agissements incongrus des auteurs qui se pavanent à travers la nature et qui ne craignent pas les sanctions prévues par les sanctions législatives. Ce séminaire permettra de corriger les imperfections pour que désormais, nous poussions un ouf de soulagement concernant la protection de notre couvert végétal. Et vous remarquerez que ce séminaire est composé d’éminents magistrats, de hauts officiers de police judiciaire, mais aussi des conservateurs de la nature. Et le Ministère de l’Environnement est là pour veiller sur l’ensemble de ces aspects. Il faut maintenir le couvert végétal, encourager le reboisement mais aussi éviter la dégradation de l’environnement. Ce séminaire est capital et le Garde des Sceaux veille sur l’application des décisions qui doivent découler de la répression des infractions commises en la matière. Il ne fait que mettre en place la politique du Gouvernement en matière de la politique pénale qui est très chère au Président de la République », a laissé entendre Bily 1 Keïta.
De son côté Seydou Nourou Guissé, conseiller juridique à l’Agence Nationale de Lutte contre la Corruption et Promotion de la Bonne Gouvernance (ANLC-PBG), s’est réjoui de la tenue de cet atelier. « Je commence par remercier très sincèrement cette initiative qui vise à rassembler les corps qui doivent se donner la main pour pouvoir vraiment juguler ces pratiques. Et nous, notre partition dans cet atelier, est d’attirer l’attention des délinquants à col blanc qui s’adonnent à ces pratiques malsaines, le trafic des espèces sauvages et le trafic de bois, qui sont des éléments fondamentaux pour la nature, la biodiversité et la survie de l’humanité ». Il a continué par dénoncer les pratiques de corruption qui se produisent à tous les stades de la chaine d’approvisionnement du bois, lors de la délivrance des permis d’exploitation, lors de la coupe de bois où les agents de l’administration reçoivent des pots-de-vin pour fermer les yeux sur l’activité illégale, lors du transport du bois où les documents de transport sont falsifiés ou au point de contrôle où les fonctionnaires sont soudoyés pour laisser passer les camions de bois, lors de la transformation où les entreprises blanchissent le bois illégal en le mêlant à des grumes d’origine légale, lors de l’exportation où peuvent figurer de fausses informations sur les documents de douane, et enfin lors de la vente du bois où les inspecteurs peuvent être soudoyés pour dissimuler la vente illégale ou provenant d’espèces protégées. Il précise que la corruption sur les cas de trafic de bois peut également se produire dans la chaine pénale, lors d’une arrestation en soudoyant les agents ou lors d’un procès en donnant des pots-de-vin à un magistrat.
‘’Notre partition, c’est d’être très regardants et très sévères dans les procédures d’enquêtes, participer à la remise des éléments pour des fins de répression. Nous sommes en train de préserver l’avenir. Si nous ne nous impliquons pas pour limiter les dégâts causés à la biodiversité, nos enfants ne trouveront rien ici’’ a insisté le conseiller Seydou Nourou Guissé.
Pour sa part, le capitaine Ibrahima Sory Diallo, Commandant adjoint de la Brigade nationale de lutte contre la criminalité sur la faune et la flore, espère qu’au terme de l’atelier, les participants seront à même de mener une lutte sans merci contre l’abattage, la capture, la commercialisation illégale de la faune ainsi que la coupe abusive et le commerce illégal du bois.
Face à l’ampleur du trafic de bois sur le territoire et suite aux actions récentes de la Brigade, l’autorité en charge de l’environnement vient de prendre des mesures radicales. En effet, dans la grande édition du journal télévisé du 03 juin 2024, le communiqué No.001/2024/MEDD pris par Djami Diallo, la Ministre de l’Environnement, a été lu. Ce dernier suspend la coupe, le transport et l’importation du bois sur toute l’étendue du territoire guinéen. En invoquant les dispositions du code forestier et de ses textes d’application, la Ministre a indiqué que toute violation de cette mesure de suspension serait sanctionnée conformément au droit applicable en vigueur en Guinée.
«A la suite du constat de la coupe anarchique du bois sur le territoire national, entreprise par des exploitants artisanaux ne possédant pas de documents administratifs requis dans le cadre de l’exercice de l’activité d’exploitation du bois, dans l’objectif de protéger le couvert végétal particulièrement les têtes de sources, les cours d’eaux ainsi que les forêts, les activités de coupe, de transport et d’importation du bois sont suspendues sur toute l’étendue du territoire national à compter du 05 juin 2024 jusqu’à nouvel ordre. L’autorisation de reprise des activités fera l’objet d’un autre communiqué du Ministère de l’Environnement et du développement durable», mentionne ledit communiqué.
Il faut rappeler que le commerce illégal des espèces sauvages est un crime organisé transnational impliquant des réseaux criminels. Ce trafic, dont les bénéfices illicites sont estimés à 23 milliards de dollars chaque année, occupe le 4ème rang du commerce illicite dans le monde après les armes, les drogues et le trafic d’êtres humains.
Depuis Kindia, Amadou Baïlo Batouala Diallo pour Guineematin.com
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