À l’occasion du seul voyage de Joe Biden en Afrique, le projet du corridor de Lobito a été propulsé sur la scène médiatique mondiale, si tant est qu’il nourrit les espoirs de développement et de prospérité économique des pays concernés. Lobito se veut un pharaonique projet d’investissements dans des infrastructures ferroviaires reliant l’Angola, la République Démocratique du Congo (RDC) et la Zambie aux gigantesques  marchés régionaux et surtout mondiaux de l’exportation de matières premières. Le corridor de Lobito est également présenté comme le fruit en gestation de la bienveillante gracieuseté des États-Unis, de l’Union européenne et du Groupe de discussion et de partenariat économique (G7) aux efforts de souveraineté économique des pays africains. Le corridor de Lobito viserait à créer des emplois pour les pays africains impliqués, dans la perspective d’améliorer le bien-être de leurs populations respectives. Lobito projette de libérer l’immense potentiel économique de la région, de fignoler et optimaliser les possibilités d’exportation des matières premières des pays susmentionnés, tout en créant de la valeur ajoutée grâce à des investissements étrangers dans diverses infrastructures. Pour l’Union européenne, le corridor de Lobito s’inscrit dans un cadre hautement stratégique d’accession à des ressources naturelles rares sur un marché fortement concurrencé par l’arrivée de nouveaux acteurs crésus tel que la Chine, la Russie, l’Inde, et la Turquie, tout aussi agressifs, gourmands, cupides, encombrants et insatiables que leurs rivaux de l’Occident dont l’hégémonie, la supercherie, les effronteries, les abus, les excès, le wokisme civilisationnel, le nationalisme identitaire anti-immigration, le deux poids deux mesures sur des questions notamment des droits de l’homme et de démocratie agacent une Afrique en pleine mutation.

Un projet à l’initiative des africains

En vue d’harmoniser leurs efforts de développement, l’Angola, la RDC et la Zambie signent en janvier 2023, l’Accord de l’Agence de Facilitation du Transport en Transit du Corridor de Lobito, (LCTTFA) pour son acronyme en anglais. À l’origine, ce projet guignait à valoriser, faciliter et accélérer le commerce transfrontalier grâce à la mise en œuvre d’instruments régionaux fédérés de frayage du transport et du négoce. Plus précisément, à travers l’Accord LCTTFA, les Africains ambitionnaient de se doter d’un itinéraire efficace et efficient qui simplifierait et stimulerait le transport de marchandises à l’intérieur des territoires des trois États membres du corridor, moyennant l’harmonisation des politiques, des lois des réglementations; des stratégies et des activités conjointes coordonnées de développement des infrastructures du corridor; la diffusion de données de trafic et d’informations et la mise en œuvre d’instruments de facilitation des transactions commerciales pour soutenir une plus grande participation des petites et moyennes entreprises (PME) aux chaînes de valeurs commerciales. Principalement, le projet mise sur l’agriculture et l’exploitation minière, dans le but d’amplifier le commerce et la croissance économique le long du corridor de Lobito et dans toute la région de la Communauté de développement de l’Afrique Australe (SADC). Les pays membres de corridor de Lobito manifestent une volonté de mettre à la disposition des importateurs et exportateurs locaux une route commerciale alternative et de bonifier les niveaux du trafic national et international.

Le corridor de Lobito s’étend sur 1300 km en Angola et se poursuit sur 400 km en RDC au cœur de la Ceinture de cuivre. En raison d’un partenariat avec des acteurs économiques étatiques étrangers plaidant derrière des rideaux tirés pour l’octroi de contrats à leurs entreprises, une concession controversée de 30 ans a été attribuée à Trafigura, une entreprise suisse de courtage pétrolier et d’affrètement maritime spécialisée dans le courtage et le transport des matières premières. Cette multinationale à la réputation sulfureuse avait déversé plus de 540 000 litres de déchets toxiques sur 18 sites autour d’Abidjan, le 19 août 2006, faisant 15 morts et plus de 100 000 personnes traités pour des vertiges et des troubles respiratoires. C’est à ce niveau que le bât blesse et le projet du corridor de Lobito devient un des nombreux tentacules de la prédation coloniale qui extravertie l’économie africaine et l’oriente vers l’exportation de matières premières, alors que ce modèle économique hérité de la colonisation ne procure aucune valeur ajoutée aux économies africaines. Bien que l’Agence LCTTFA ait été mandatée de veiller à l’entretien durable de l’infrastructure et d’exalter le développement du corridor de Lobito, en s’assurant à ce que cette infrastructure et d’autres services de soutien répondent aux besoins actuels et futurs des utilisateurs tout en encourageant la minimisation des coûts associés au mouvement des marchandises et des passagers tout au long du corridor, la seule présence de Trafigura suffit à comprendre que les africains ont d’ores et déjà perdu le contrôle de leur projet de développement. L’objectif clair des trois pays était d’établir et de consolider une étroite coopération dans la circulation des personnes et des biens; d’assurer la coopération dans le trafic ferroviaire et routier, de fournir une route plus efficace et efficiente pour le transport intérieur des marchandises entre les pays membres.

Le corridor se voulait également un débouché stratégique alternatif pour la Zambie, pays continental, vers les marchés occidentaux d’exportation et d’ailleurs, lui offrant ainsi une route primordiale vers le port maritime de Lobito sur l’océan Atlantique. Le corridor de Lobito sera malheureusement un efficace instrument du sous-développement des pays membres : une économie qui s’articule autour de l’exportation de matières premières à prix dérisoire et non autour de l’exportation de produits finis, à forte valeur ajoutée ne peut tenir ses promesses de développement. L’Angola est l’un des plus grands producteurs de pétrole d’Afrique. À l’heure actuelle, l’essentiel de ses exportations pétrolières brutes se fasse par voie maritime. Le pays possède également des gisements de fer dans la région de Cassinga, pour l’exploitation desquels, les autorités misent sur les  infrastructures de transport tel le projet de Lobito.

La République Démocratique du Congo est l’un des plus grands producteurs de cuivre au monde. Le cuivre extrait de la région du Katanga doit serait transporté vers les ports pour l’exportation, et le corridor de Lobito serait essentiel pour acheminer ce métal vers le port de Lobito. La RDC est également un producteur majeur de cobalt, qui est essentiel dans la fabrication de batteries, notamment pour les véhicules électriques. Comme le cuivre, il nécessite un transport efficace par chemin de fer et route pour être exporté. Le pari des autorités congolaises semble être celui de pérenniser le sous-développement de leur richissime pays, via l’exportation de richesses naturelles brutes à l’inverse de celles du Mali, qui elles, ont réussi la construction d’une usine de lithium grâce à une collaboration chinoise que le président malien qualifie de partenariat « sincère et fructueux », pendant que les partenaires du corridor de Lobito rêvent de créer des emplois chez eux avec les ressources africaines. La RDC possède également des réserves importantes de zinc, d’étain, d’or et de coltan. Ces ressources ne bénéficieront point d’infrastructures industrielles en vue de leur exploitation et transformation sur place. Leur exportation via le corridor de Lobito reste la priorité des dirigeants congolais.

La Zambie est pour sa part également un grand producteur de cuivre, de cobalt, d’uranium, de zinc et d’autres métaux avec des mines principalement situées dans la région du Copperbelt, à proximité de la frontière avec la RDC. Les zambiens comptes sur des infrastructures de transport pour rejoindre le port de Lobito pour bazarder l’avenir de leurs enfants aux américains et leurs alliés de l’Union européenne et du Groupe de discussion et de partenariat économique.

« Le corridor de Lobito jouera un rôle crucial dans l’appauvrissement de l’Afrique à travers l’exploitation et l’exportation de plusieurs ressources naturelles de ces trois pays. Les conséquences prévisibles de ce projet sont incommensurables. Il accentuera le dépérissement économiques des populations des pays africains tout en permettant à leurs partenaires de maintenir le niveau de vie de leurs populations et de jouer un rôle de catalyseur dans la dynamique de l’exode des populations africaines vers les routes périlleuses de l’immigration, un phénomène qui nourrit la haine des partis néonazis des pays occidentaux, pourtant destinataires des ressources dont l’extorsion engendre l’immigration économique », confie un cadre congolais sous anonymat.

Un partenariat des États-Unis, de  l’Union européenne et du G7

Comment un projet d’infrastructures destiné à la facilitation des échanges commerciaux entre des pays africains, leur développement mutuel et l’amélioration des conditions de vie de leurs populations respectives, devient-il un projet phare des États-Unis, de l’Union européenne et du G7 au point que le seul voyage en Afrique du président Joe Biden soit dans la région de Lobito pour annoncer en grande pompe un investissement significatif d’un milliard de dollars au titre dit-il d’une initiative visant à soutenir le développement et le renforcement des relations économiques avec l’Afrique? Le coût de réalisation du projet ferroviaire de Lobito est estimé à 1,6 milliards de dollars auquel la Banque africaine de développement contribue à hauteur de 500 millions de dollars. À travers Lobito, les États-Unis et leurs alliés tentent de s’adjuger des minéraux essentiels à la survie de leurs industries face surtout à une Chine qui semble tout simplement irrattrapable dans la maitrise des nouvelles technologies numériques, celles des communications, de l’intelligence artificielle et de l’automobile électrique.

En réponse à leur propre agacement, leur indignation et leur impuissance pressentie face à l’omniprésence et à la domination croissante par la Chine des lucratifs et incontournables marchés des nouvelles technologies de l’information et de la communication, l’UE et les ÉU se sont fondus d’une déclaration en marge du sommet du G20 à New Delhi en septembre 2023, annonçant leur intention d’investir dans le corridor de Lobito. Les associés font remarquer que le corridor de Lobito est une priorité clé du Partnership for Gbobal Infrastructure and Investment (PGII) du G7.

En Angola, le président Joe Biden a annoncé un investissement significatif dans le projet du corridor de Lobito, qui vise selon lui à améliorer les infrastructures de transport en Afrique. M. Biden assure que l’investissement géostratégique américain fait partie d’une initiative plus large pour renforcer les relations économiques entre les États-Unis et les pays africains. Il observe que le corridor de Lobito est considéré comme un projet stratégique pour le développement économique de l’Afrique.

Sur le continent noir, nombre d’analystes politiques africains soutiennent que les États-Unis, l’Union européenne et le G7 investissent de manière significative en Afrique uniquement pour concurrencer la Chine sur le marché des matières premières vitales à leurs propres industries. Plusieurs facteurs et initiatives récentes corroborent cette analyse. Les Africains redoutent des intervertissements occidentaux motivés strictement par une volonté de rivaliser avec la Chine. La Chine est aujourd’hui un acteur majeur sur le continent africain, surtout en ce qui concerne l’accès aux matières premières nécessaires à ses industries, comme le cuivre, le cobalt, l’uranium, et les terres rares. Ces ressources sont essentielles pour ses industries manufacturières, et elle a réussi à mettre en place des partenariats solides avec des pays africains pour sécuriser ses approvisionnements.

À travers l’Initiative « La Ceinture et la Route » (BRI), la Chine a investi massivement en infrastructures en Afrique, notamment dans des projets d’infrastructure portuaire, ferroviaire et énergétique, afin de faciliter l’extraction et l’exportation des ressources naturelles du continent. Cela a donné à la Chine un avantage stratégique dans l’accès à ces ressources. Face à cette domination croissante, les États-Unis, l’UE et le G7 tentent de sécuriser leur propre accès à ces matières premières critiques et cherchent à renforcer leur présence en Afrique. Ce qui dénote du fait qu’il est faux absolument de leur part de prétendre participer aux efforts de développement de l’Afrique.

L’administration Biden a mis en place des initiatives visant à renforcer les partenariats économiques entre les États-Unis et l’Afrique, en se concentrant spécifiquement sur les secteurs des infrastructures nécessaires à l’exploitation et l’exportation des matières premières. Par exemple, dans le cadre du Partenariat pour la croissance mondiale (PGP), les États-Unis ont engagé des investissements dans les infrastructures de transport et d’énergie, et ont soutenu des initiatives visant à renforcer l’extraction de minéraux comme le cobalt et le lithium, en grande demande pour les batteries électriques. À aucun moment, aucune de ces initiatives ne vise la construction d’usines ou de raffineries pouvant permettre aux Africains de transformer leurs matières premières en produit finis sur le continent. Pire, la Loi sur la croissance et les opportunités en Afrique (AGOA), une législation renouvelée régulièrement, institue pour les pays africains notamment un accès préférentiel de leurs matières premières stratégiques au marché américain.

L’Union européenne a de son côté développé plusieurs stratégies pour renforcer son accès aux ressources naturelles africaines, comme dans le cadre de l’Accord de partenariat UE-Afrique et du Pacte vert européen. L’UE cherche à sécuriser un approvisionnement stable en minéraux critiques (comme le cobalt et le lithium) pour ses industries de haute technologie et la transition énergétique sans s’embarrasser des questions éthiques des conséquences de l’expropriation des Africains de leurs richesses naturelles et de la pauvreté croissante que ce phénomène entretient en Afrique depuis la Conférence de Berlin 1884/1885. L’Afrique est une source clé de matières premières pour la transition énergétique de l’UE. Ses investissements dans des projets miniers en Afrique, sont un moyen pour l’UE de supposément contrer la domination chinoise. D’où son implication dans le projet du corridor de Lobito, et, la question du bien-être des Africains mise en avant devant les caméras n’est que funeste supercherie.

En ce qui concerne le G7, il a annoncé une série d’investissements en infrastructures mondiales, avec une attention particulière pour l’Afrique dans le cadre de son Initiative « Build Back Better World » (B3W).  Cette initiative vise à offrir une alternative aux investissements chinois massifs. L’accès aux ressources naturelles africaines reste le secteur clé de cette initiative. Les objectifs désespérés derrière ces investissements sont de concurrencer avec la Chine : Il est clair que ces investissements visent en partie à offrir une alternative aux investissements chinois en Afrique. L’objectif est d’assurer un accès stable et privilégié aux ressources naturelles africaines, particulièrement celles qui sont cruciales pour les industries technologiques et leurs fameuses transitions énergétiques. Les Africains comprennent qu’en diversifiant leurs sources d’approvisionnement, les pays du G7 et les États-Unis cherchent à réduire leur dépendance vis-à-vis de la Chine, notamment en matière de minéraux stratégiques comme le cobalt, le lithium et les terres rares, qui sont de plus en plus recherchés pour les technologies de batteries et les énergies renouvelables.

« Au-delà de la concurrence économique, les Africains réalisent aussi que ces investissements sont également motivés par des considérations géopolitiques. L’Afrique, avec ses vastes ressources naturelles et son potentiel de croissance, est un terrain d’influence stratégique. Les États-Unis, l’UE et le G7 cherchent donc à renforcer leurs liens avec les gouvernements africains dans l’espoir de garantir un accès aux richesses africaines tout en tentant d’introduire en Afrique leurs nouvelles valeurs wokistes civilisationnelles, valeurs dans lesquelles les Africains ne se reconnaissent pas, tant qu’elles expliquent la méfiance et parfois hostilité et rejet perçus comme sentiment antioccidental. Bien que les initiatives américaines, européennes et celles du G7 visent clairement à concurrencer la Chine, elles s’inscrivent dans un contexte beaucoup plus large où l’Afrique bénéficie d’une multiplicité d’acteurs investissant dans ses ressources naturelles. Cette compétition ne se limite pas uniquement à un affrontement entre la Chine et l’Occident, mais inclut également des acteurs émergents tels que l’Inde et la Russie, qui cherchent également à sécuriser leur propre accès aux ressources africaines. Les analystes politiques africains ont donc raison de souligner que les États-Unis, l’UE et le G7 cherchent à contrer l’influence croissante de la Chine en Afrique, notamment en matière d’accès aux matières premières vitales pour leurs industries. Ces investissements sont uniquement motivés par une volonté de rivaliser avec la Chine et aussi par des objectifs géopolitiques, économiques. Dans un monde de plus en plus interconnecté, ces stratégies s’ajoutent à un jeu complexe d’influence internationale en Afrique, un bras de fer qui semble pour l’heure échappé à l’Occident », résume sous anonymat, un haut cadre ivoirien.

Pourquoi des capitaux étrangers pour développer l’Afrique?

Les pays membres de l’Accord de l’Agence de facilitation du transport en transit du corridor de Lobito ne peuvent généralement pas réaliser seuls leurs projets d’infrastructures majeures, comme ceux liés à ce corridor, sans recourir aux capitaux internationaux. Les défis du financement national des projets d’infrastructure à grande échelle très coûteux  résultent du certains nombre facteurs dont notamment, le déficit de ressources financières internes suffisantes : De nombreux pays africains, bien qu’en croissance économique, ne disposent pas de suffisamment de réserves financières pour financer des projets d’infrastructure majeurs de manière autonome. Les budgets nationaux sont souvent limités par les besoins sociaux urgents (éducation, santé, etc.) et la gestion de la dette publique, ce qui laisse peu de place pour des investissements lourds dans les infrastructures ; Même si certains pays africains membres du projet du corridor de Lobito disposent de revenus issus de leurs ressources naturelles, leur capacité à mobiliser des financements à long terme est souvent limitée par des facteurs tels que la faiblesse des marchés financiers locaux et les pseudos risques perçus par les investisseurs nationaux ; Les projets comme la construction de voies ferrées, de routes, de ports ou de réseaux énergétiques peuvent atteindre des milliards de dollars. Ces coûts sont généralement trop élevés pour être financés uniquement par les budgets publics des pays en développement, d’autant plus que certains d’entre-deux font face à des guerres civiles alimentées par leurs partenaires traditionnels ; Pour faire face à ces défis financiers, les pays africains ont souvent recours à des capitaux étrangers, qui peuvent provenir de plusieurs sources dont des prêts bilatéraux ou multilatéraux, des partenariats public-privé, et investissements directs étrangers ; Les banques internationales, les institutions financières multilatérales (comme la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement y compris la banque africaine de développement « qui est en réalité américaines ») et les investisseurs privés étrangers fournissent des prêts ou des financements à des taux d’intérêts exorbitants, ce qui accroit le phénomène de l’endettement de l’Afrique tout en étranglant toute velléité de développement. Pour justifier des taux d’intérêts beaucoup plus élevés que ceux accordés aux pays développés, ces banques s’inventent des escobarderies insupportables : risques perçus ou élevés et des économies prétendument peu stables, ce qui de toute évidence limite l’accès des pays africains à ces marchés et les obligent à accepter des conditions largement défavorables. L’opinion publique africaine est à l’effet que ces facteurs combinés sont délibérément initiés à l’extérieur du continent noir pour rendre les prêts plus couteux afin d’entraver développement économique et social.

Les investisseurs étrangers apporteraient non seulement des financements, mais aussi des connaissances spécialisées, des technologies et des capacités de gestion qui peuvent être cruciales pour la réalisation de projets complexes. Cela est particulièrement important pour des projets comme le corridor de Lobito, qui nécessitent une expertise en transport, logistique et gestion de grandes infrastructures. En attirant des investissements étrangers, les pays africains espèrent diversifier leurs sources de financement. Cela peut réduire la dépendance vis-à-vis de créanciers uniques, souvent cyniques et permettre des conditions de financement plus favorables, comme des taux d’intérêt plus bas ou des périodes de remboursement plus longues. Cependant, les investissements étrangers peinent à atteindre leurs objectifs de création d’emplois, de stimulation de la demande locale tout en échouant à générer des retombées économiques directes et indirectes. Les infrastructures modernisées, comme celles du corridor de Lobito et celles projetées autour de l’immense projet d’extraction du fer de Simandou en Guinée réussiront peut-être  à faciliter le commerce intra-africain. En revanches, les exportations internationales de matières premières ne pourront en aucun cas constituer un gage de croissance économique pour les pays africains.

Les projets comme le corridor de Lobito sont des projets transnationaux, ce qui signifie qu’ils impliquent plusieurs pays. Ces projets nécessitent souvent une coopération régionale et internationale pour être menés à bien. Les capitaux étrangers sont donc souvent un moyen de renforcer cette coopération en permettant aux différents pays de partager les coûts et les bénéfices. De plus, les investisseurs étrangers, souvent dans le cadre de partenariats public-privé, apportent non seulement des financements mais aussi une capacité à gérer les projets en tenant compte des intérêts de toutes les parties prenantes. Bien que les capitaux étrangers soient essentiels, leur utilisation imprudente ne cesse d’étouffer l’Afrique. Cette dépendance excessive aux emprunts extérieurs mène aujourd’hui à des problèmes d’endettement excessif, ce qui peut nuit à la stabilité économique du continent noir. C’est pourquoi les pays africains doivent souvent équilibrer le recours aux financements étrangers avec des stratégies de gestion de la dette, de diversification des sources de revenus et de renforcement des capacités locales.

Il convient également de noter que la Chine a été un acteur majeur dans les investissements en infrastructures en Afrique au cours des deux dernières décennies. Les prêts chinois, souvent dans le cadre de la nouvelle route de la soie, ont soutenu de nombreux projets d’infrastructure, y compris des corridors de transport. Bien que ces investissements aient permis de réaliser d’importants projets, ils ont également soulevé des préoccupations liées à l’endettement et aux conditions des prêts, ce qui pousse les pays africains à rechercher davantage de diversification dans leurs partenariats.

En somme, les pays membres de l’Accord de l’Agence de facilitation du transport en transit du corridor de Lobito ne peuvent pas réaliser leurs projets d’infrastructures à l’exclusion des capitaux internationaux, en raison de la lourdeur des investissements nécessaires et de la complexité des projets. Les capitaux étrangers sont encore cruciaux pour le financement, le développement technologique et la gestion des projets d’infrastructure en Afrique. Cependant, les pays africains doivent gérer ces investissements de manière stratégique pour éviter les risques d’endettement excessif et garantir que ces projets profitent à long terme à leur développement économique. Ce vœux pieux sera inatteignable tant que les seuls projets qui bénéficient de réels investissements chinois et occidentaux sont ceux destinés à déchoir le continent des ces ressources naturelles.

Simandou en Guinée

Le nom Simandou est synonyme des superlatifs les plus étourdissants. Les médias parlent d’une « montagne de fer ». En effet, Simandou forme la plus grande réserve identifiée au monde de minerai de fer, encore inexploitée et estimée à 2,4 milliards de tonnes. Soit « suffisamment pour construire 500 000 tours Eiffel », selon le calcul de Jim Wormington, chercheur senior de l’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch. Le gouvernement guinéen a signé plusieurs accords avec des partenaires industriels étrangers, notamment Winning Consortium Simandou (WCS), une coentreprise créée par Winning International Group de Singapour et le China Hongqiao Group; Rio Tinto, une entreprise multinationale anglo-australienne et Baowu, une entreprise chinoise spécialisée dans la production d’acier. À l’instar du corridor de Lobito, le projet d’exploitation du gisement de fer de Simandou prévoit la construction d’infrastructures ferroviaires et portuaires pour évidemment transporter et exporter le minerai de fer à l’état brut à l’extérieur. Il semble que la Guinée ne détiendrait que 15% des parts du projet et que les autres parts sont détenues par les partenaires étrangers susmentionnés. Malgré la bonne foi et la profession de foi des autorités guinéennes, il est difficile d’admettre qu’en dehors de la modernisation des moyens de transport, la Guinée afficherait à terme un développement s’apparentant à des paradis pétroliers du golf. Simandou risque d’accentuer le sous-développement de la Guinée.

En Afrique centrale comme en Guinée et d’ailleurs partout en Afrique, il est impératif et urgent d’imposer un moratoire sur l’extraction et l’exportation des matières premières jusqu’à l’obtention d’accords qui concèdent au Africains 80% des parts des projets d’exploitation de leurs propres matières premières et aux compagnies étrangères prédatrices de se débrouiller avec les 20% restant. À défaut d’une telle inversion des rapports de partenariat, un moratoire de plusieurs décennies permettrait aux Africains de se concentrer sur l’éducation et la formation professionnelle pour améliorer les compétences locales afin de procéder eux-mêmes aux prospections, extraction, transformation et exportation de leurs richesses. Il est absolument crucial et même vital pour les Africains de renverser les rapports de force en réalisant tout simplement qu’ils détiennent le gros bout du bâton et que ce sont plutôt les pays développés qui risquent de souffrir d’une rupture des matières premières indispensables au fonctionnement de leurs industries et à la bonne santé de leurs économies. C’est au prix de changement radicaux manifestes allant dans le sens d’une inversion des rapports de forces que l’Afrique réussira à se développement. Il est illogique et illusoire de continuer à penser que ce sont aux Africains d’attirer des investissements étrangers auprès d’entreprises étrangères souvent originaires de pays qui ont un lourd et inoubliable passif colonial jamais soldé et qui sont encore instinctivement imbus des relations de prédations coloniales d’extorsions des richesses naturelles africaines. La prédation coloniale et l’extraction des richesses par ces entreprises sont des problèmes majeurs qui ont des racines historiques profondes et des impacts économiques et sociaux considérables. La logique serait que les Africains détiennent 80% des parts dans tous les projets d’exploitation de leurs ressources naturelles. La logique serait de commercialiser de l’acier et non du fer brut. En l’absence de cette inversion des rapports de collaboration, le continent noir fait le pari de la pauvreté à perpétuité alors que les Africains seront pour des générations réduits à l’immigration clandestine dont la destination n’est autre que les pays dont les entreprises prospèrent de leur indigence. Dr Yamb Ntimba de résumer ce sentiment : « Construire des autoroutes, des échangeurs, des voies ferrées sans construire des usines pour produire du bitume, des rails, ce n’est pas du développement, c’est du modernisme ».

Par Goïkoya Kolié, juriste , Canada )