La Guinée, ce pays riche de ressources naturelles et d’une histoire séculaire, fait face à une crise endémique de corruption et de mauvaise gouvernance, un mal qui gangrène ses institutions et compromet son développement.

La corruption est devenue une véritable plaie sociale et économique qui mine non seulement la confiance des citoyens envers leurs dirigeants, mais aussi l’efficacité des politiques publiques. L’apparente impunité qui accompagne ce phénomène et les dérives observées depuis plusieurs décennies dessinent un tableau sombre pour la Guinée, qui semble, au fond, se débattre avec ses propres démons.

La corruption, à la fois dans le secteur public et privé, est aujourd’hui l’un des principaux obstacles à l’essor économique de la Guinée. Alors que le pays regorge de richesses inestimables, notamment en ressources minières, l’or, la bauxite et le diamant, il demeure un des pays les plus pauvres du monde.

Cette contradiction flagrante, entre une richesse naturelle colossale et un sous-développement persistant, s’explique par une gestion désastreuse des fonds publics et une absence de réformes structurelles dans l’administration. Les détournements de fonds, les pots-de-vin et les pratiques frauduleuses sont omniprésents dans l’ensemble des secteurs de l’État.

La corruption en Guinée s’exprime sous diverses formes. Dans le domaine de l’administration publique, elle prend la forme de « facilités » de services en échange d’argent ou de faveurs personnelles. Dans les marchés publics, elle se cache derrière l’attribution d’appels d’offres truqués, souvent en faveur d’entreprises proches du pouvoir en place. Mais la corruption ne se limite pas à l’administration.

Les milieux d’affaires, où l’alignement des intérêts financiers et politiques est omniprésent, sont aussi touchés par ces pratiques. Cette situation affecte la confiance des investisseurs étrangers et réduit considérablement l’attractivité de la Guinée, malgré son potentiel.

Le pays a connu plusieurs scandales financiers au fil des années, dont certains ont impliqué des personnalités publiques, des hommes d’affaires, mais aussi des membres du gouvernement. La gestion des ressources publiques, l’absence de transparence dans la gestion des projets d’infrastructure, et la mauvaise allocation des fonds ont fait que les Guinéens, qui aspirent à une meilleure qualité de vie, voient leur avenir se dissiper dans un océan de promesses non tenues.

Les multiples rapports d’organisations internationales, comme Transparency International, ont d’ailleurs régulièrement signalé la Guinée comme l’un des pays les plus corrompus au monde.

Cette étiquette de « champion de la corruption » est un fardeau difficile à assumer, surtout pour un peuple qui, malgré ses difficultés, aspire à la stabilité et à un développement durable.

La mauvaise gouvernance, qui s’accompagne d’une gestion erratique et parfois négligente des ressources nationales, a plongé le pays dans une spirale de crise. Si la corruption est une cause importante, il faut aussi souligner les effets délétères d’une gouvernance centralisée, où le pouvoir est souvent concentré entre les mains d’un petit cercle. Cette absence de décentralisation, le manque de transparence et le défaut de reddition de comptes, associés à un système judiciaire fragile, contribuent largement à l’impunité des corrupteurs et des corrompus.

La Guinée souffre d’une culture politique et administrative qui valorise la loyauté personnelle et les rapports clientélistes au détriment de la compétence et de l’éthique. Au lieu de baser les décisions sur l’intérêt général, le pays semble trop souvent en proie à des calculs partisans qui contournent les lois et les principes démocratiques.

Les grandes réformes promises ne se sont pas concrétisées, et les attentes des citoyens se sont perdues dans les méandres de la bureaucratie.

Dans cette bataille contre la corruption et pour une meilleure gouvernance, la société civile et les médias jouent un rôle crucial. Les organisations de la société civile, qui dénoncent régulièrement les abus de pouvoir et les mauvaises pratiques, sont souvent reléguées à une position marginale, voire persécutées. Les journalistes, quant à eux, sont de plus en plus confrontés à des pressions et des menaces pour avoir exposé des scandales ou des faits de corruption.

Cependant, malgré les obstacles, certains acteurs de la société civile et des médias continuent de lutter pour la transparence et la justice. Leur rôle est d’autant plus essentiel que la conscience collective doit s’éveiller face à l’ampleur de la corruption, tout en encourageant une culture de tolérance zéro à l’égard des détournements de fonds publics.

Le peuple guinéen, à travers ses associations et organisations non gouvernementales, doit exiger des comptes à ses dirigeants. La pression populaire, alimentée par un journalisme d’investigation rigoureux et indépendant, reste une arme puissante contre l’impunité.

Une transition vers la justice et la transparence ?

La transition politique entamée en Guinée avec l’arrivée du CNRD à la tête du pays en 2021 a suscité de grands espoirs. Parmi les priorités affichées par le nouveau gouvernement, la lutte contre la corruption et la mise en place d’une gouvernance plus responsable ont été largement mises en avant.

L’engagement du président Mamadi Doumbouya à instaurer un « État de droit », à renforcer l’indépendance de la justice et à promouvoir la transparence semble prometteur. Cependant, des doutes demeurent quant à la capacité du gouvernement à réellement redresser la situation sans céder à la tentation de l’autocratie ou à la pression de certains intérêts partisans.

Le gouvernement actuel a pris des mesures significatives, telles que la mise en place de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF), chargée de juger les crimes financiers et de poursuivre les responsables de détournement de fonds publics. Toutefois, pour que cette démarche soit véritablement efficace, elle doit être accompagnée d’un système judiciaire totalement indépendant, d’une meilleure formation des acteurs publics et d’une vigilance accrue des citoyens.

L’espoir d’un renouveau ?

Malgré l’ampleur du défi, la Guinée peut, si elle réussit à rompre définitivement avec ce cercle vicieux de corruption et de mauvaise gouvernance, se redresser. La clé de cette transformation réside dans la mise en place d’un véritable processus de réformes structurelles, associées à une volonté politique ferme de la part des dirigeants. Il est aussi nécessaire d’inculquer à la jeunesse guinéenne des valeurs d’intégrité, de transparence et d’auto-détermination.

Le pays doit revoir ses mécanismes de gouvernance, de justice et de gestion des ressources, et encourager une meilleure participation citoyenne. Il est impératif d’assurer une plus grande indépendance des institutions, de renforcer les contrôles internes, et de promouvoir une gestion saine et transparente des ressources publiques. La société civile, les journalistes, les acteurs politiques et les citoyens doivent faire front ensemble pour ébranler les fondements de la corruption et faire de la Guinée un modèle de bonne gouvernance en Afrique.

En somme, la Guinée se trouve face à un véritable tournant dans son histoire. Elle a le choix de se libérer de ses démons ou de sombrer dans une spirale de déclin. Il est temps pour tous les acteurs du pays de se mobiliser, pour une Guinée plus juste, plus équitable et plus prospère.

Minkael BARRY

leverificateur.net